LE POÈME PULVÉRISÉ
ARGUMENT
Comment vivre sans inconnu devant soi ?
Les hommes d'aujourd'hui veulent que le poème soit à l'image de
leur vie, faite de si peu d'égards, de si peu d'espace et brûlée
d'intolérance.
Parce qu'il ne leur est plus loisible d'agir suprêmement, dans cette
préoccupation fatale de se détruire par son semblable, parce que leur
inerte richesse les freine et les enchaîne, les hommes d'aujourd'hui,
l'instinct affaibli, perdent, tout en se gardant vivants, jusqu'à la
poussière de leur nom.
Né de l'appel du devenir et de l'angoisse de la rétention, le poème,
s'élevant de son puits de boue et d'étoiles, témoignera presque silencieusement,
qu'il n'était rien en lui qui n'existât vraiment ailleurs,
dans ce rebelle et solitaire monde des contradictions.
TU AS BIEN FAIT DE PARTIR,
ARTHUR RIMBAUD !
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud! Tes dix-huit ans
réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de
Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille
ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents
du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine.
Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les
estaminets des pisse-lyres, pour l'enfer des bêtes, pour le commerce
des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui
atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un
homme! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment
étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur
lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus
qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes
quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.