L'homme a voulu rêver,
le rêve gouvernera l'homme.
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N'ayant pas d'autres camarades que trois innocentes petite soeurs, dormant même toujours avec elles enfermé dans un beau et silencieux jardin, loin de tous les spectacles de la pauvreté, de l'oppression et de l'injustice, je ne pouvais pas, dit-il, soupçonner la véritable complexion de ce monde.
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Qu'est-ce que le cerveau humain, sinon un palimpseste immense et naturel ? Mon cerveau est un palimpseste et le vôtre aussi, lecteur. Des couches innombrables d'idées, d'images, de sentiments sont tombées successivement sur votre cerveau, aussi doucement que la lumière. Il a semblé que chacune ensevelissait la précédente. Mais aucune en réalité n'a péri.
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Le bon sens nous dit que les choses de la terre n'existent que-bien peu, et que la vraie réalité n'est ue dans les rêves. Pour digérer le bonheur naturel, comme l'artificiel, il faut d'abord avoir le courage de l'avaler; et ceux qui mériteraient peut-être le bonheur sont justement ceux-là à qui la félicité telle que la conçoivent les mortels, a toujours fait l'effet d'un vomitif. [...[
la femme est l'être qui projette la plus grande ombre ou la plus grande lumière dans nos rêves. La femme est fatalement suggestive; elle vit d'une autre vie que la sienne propre; elle vit spirituellement dans les imaginations qu'elle hante et qu'elle féconde.
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Mais les profondes tragédies de l'enfance [... [ vivent toujours cachées, sous les autres légendes du palimpseste. La passion et la maladie n'ont pas de chimie assez puissante pour brûler ces immortelles empreintes.
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La faculté de rêverie est une faculté divine et mystérieuse; car c'est par le rêve que l'homme communique avec le monde ténébreux dont il est environné. Mais cette faculté a besoin de solitude pour se développer librement; [...[
C'est dans les notes relatives à l'enfance que nous trouverons le germe des étranges rêveries de l'homme adulte, et, disons mieux, de son génie.
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Enfin, pour m'exprimer d'une manière plus concise, ne serait-il pas facile de prouver, par une comparaison philosophique entre les ouvrages .d'un artiste mûr et l'état de son âme quand il était enfant, que le génie n'est que l'enfance nettement formulée, douée maintenant, pour s'exprimer d'organes virils et puissants ?
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terreur et pressentiment mêlés, c'était l'effet produit par cette affreuse vérité, pour la première fois révélée que ce monde est un monde de malheur, de lutte et de proscription.
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En 1816 Thomas De Quincey (1785-1859) s'installe à Edimbourg où Il devient totalement dépendant de l'opium, ce qui lui inspirera "Les confessions d'un mangeur d'opium anglais" en 1822. Cet ouvrage sera commenté par Baudelaire et lui permettra de décrire les répercussions physiques et mentales de la prise d'opium dans "Les paradis artificiels".