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1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 16:41

 

Peut-être cet effroi que j'avais - qu'ont tant d'autres - de coucher dans une chambre inconnue, peut-être cet effroi n'est-il que la forme la plus humble, obscure, organique, presque inconsciente, de ce grand refus désespéré qu'opposent les choses qui constituent le meilleur de notre vie présente à ce que nous revêtions mentalement de notre acceptation la formule d'un avenir où elles ne figurent pas; refus qui était au fond de l'horreur que m'avait fait si souvent éprouver la pensée que mes parents mourraient un jour, que les nécessités de la vie pourraient m'obliger à vivre loin de Gilberte, ou simplement à me fixer définitivement dans un pays où je ne verrais plus jamais mes amis; refus qui était encore au fond de la difficulté que j'avais à penser à ma propre mort ou à une survie comme celle que Bergotte promettait aux hommes dans ses livres, dans Iaquelle je ne pourrais emporter mes souvenirs, mes défauts, mon caractère, qui ne se résignaient pas à l'idée de ne plus être et ne voulaient pour moi ni du néant, ni d'une éternité où ils ne seraient plus.

(...)

ma raison pensait que je pouvais envisager sans terreur la perspective d'une vie où je serais à jamais séparé d'êtres dont je perdrais le souvenir, et c'est comme une consolation qu'elle offrait à mon coeur une promesse d'oubli qui ne faisait au contraire qu'affoler son désespoir.

(...)

Et la crainte d'un avenir où nous seront enlevés la vue et l'entretien de ceux que nous aimons et d'où nous tirons aujourd'hui notre plus chère joie, cette crainte, loin de se dissiper, s'accroît, si à la douleur d'une telle privation nous pensons que s'ajoutera ce qui nous semble actuellement plus cruel encore : ne pas la ressentir comme une douleur, y rester indifférent; car alors notre moi serait changé : ce ne serait plus seulement le charme de nos parents, de notre maîtresse, de nos amis, qui ne serait plus autour de nous; notre affection pour eux aurait été si parfaitement arrachée de notre coeur dont elle est aujourd'hui une notable part, que nous pourrions nous plaire à cette vie séparée d'eux dont la pensée nous fait horreur aujourd'hui; ce serait donc une vraie mort de nous-même, mort suivie, il est vrai, de résurrection, mais en un moi différent et jusqu'à l'amour duquel ne peuvent s'élever les parties de l'ancien moi condamnées mourir. Ce sont elles-mêmes les plus chétives, comme les obscurs attachements aux dimensions, à l'atmosphère d'une chambre - qui s'effarent et refusent, en des rébellions où il faut voir un mode secret, partiel, tangible et vrai de la résistance à la mort, de la longue résistance désespérée et quotidienne à la mort fragmentaire et successive telle qu'elle s'insère dans toute la durée de notre vie, détachant de nous à chaque moment des lambeaux de nous-mêmes sur la mortification desquels des cellules nouvelles multiplieront.

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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 21:46

 

 

 

Et ainsi ce fut elle qui la première me donna l'idée qu'une personne 
n'est pas, comme j'avais cru, claire et immobile devant nous 
avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre égard 
(comme un jardin qu'on regarde, avec toutes ses plates-bandes, 
à travers une grille), mais est une ombre où nous ne pouvons jamais
pénétrer, pour laquelle il n'existe pas de connaissance
directe, au sujet de quoi nous nous faisons des croyances
nombreuses à l'aide- de paroles et même d'actions,
lesquelles les unes et les autres ne nous donnent que des
renseignements insuffisants et d'ailleurs contradictoires,
une ombre où nous pouvons tour à tour imaginer avec
autant de vraisemblance que brillent la haine et l'amour.

p 61

 

 

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21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 19:44

 

... De la résistance à la mort, de la longue résistance désespérée et quotidienne

à la mort fragmentaire et successive telle qu'elle s'insère dans toute la durée

de notre vie, détachant de nous à chaque moment des lambeaux de nous-mêmes...

p 298

 

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