"C'est une histoire contée par un idiot
pleine de bruit et de fureur,
qui ne signifie rien."
Macbeth scène V, acte V - Shakespear
Je te le donne, non pour que tu te rappelles le temps, mais pour que tu puisses l'oublier parfois pour un instant, pour éviter que tu ne t'essouffles en essayant de le conquérir. Parce que, dit-il, les batailles ne se gagnent jamais. On ne les livre même pas. Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots.
p 99
Si seulement nous avions pu faire quelque chose d'assez horrible pour que tout le monde eût déserté l'enfer pour nous y laisser seuls, elle et moi.
p 103
Ils parlaient tous à la fois, et leurs voix insistantes, contradictoires, impatientes, rendaient l'irréel possible, puis probable, puis indubitable, comme font les gens quand leurs désirs sont devenus des mots.
p 146-147
Car la bonté d'un seul homme est plus puissante que la méchanceté de mille; le mal meurt en même temps que celui qui l'a exercé; le bien continue à rayonner après la disparition' du juste.
P 198
Il nous arrive, parfois, de voir dans la rue un homme à la face blême et au regard perdu, ou bien une femme en pleurs. Si nous étions des êtres supérieurs, nous devrions arrêter cet homme ou cette femme, et leur offrir promptement notre assistance. C'est là toute la supériorité que j'attribuerais à l'être humain sur la bête.
P 187
Et surtout, nous n'avions aucune idée de la volupté que le coeur éprouve, quand le corps se baigne dans les caresses du vent qui souffle sur un champ en été.
P 116
Le teint de Kyra brunit en peu de jours j et jamais femme plus belle ne courut sur un champ, les yeux humides d'amour ; la chevelure flottant comme une oriflamme, les jupes indiscrètes relevées, les seins voluptueusement offerts au dieu Soleil !
P 117
mais il en est toujours ainsi quand on veut toucher aux écluses rouillées qui barrent le passage aux eaux du passé : il est bon de se faire un peu prier.
P 70
Mais ce que l'amour crée avec difficulté, la haine le détruit en un instant, et voilà ce que je ne pardonnerai jamais aux hommes.
P 64
Homme libre et qui n'adorais point l'argent, habitué à respirer les grands courants de la vie qui balançaient les miasmes de la nature, je ne m'attardais dans cette maison - où tout était vicié par l'égoïsme et la bêtise - que pour celle qui aspirait de toutes ses forces à la liberté.
P 47
" S'entretenir soi-même et s'arrêter et se rasseoir en soi "
Les Essais I, 8, p 33
Elles ne sauraient cependant faire oublier que Montaigne appelait de ses voeux une lecture amicale, complice, mue par le désir de confronter ses interrogations avec celles qu'il exprimait et de découvrir en soi des potentialités inattendues; il voulait aider ses lecteurs à émanciper leur jugement, à conquérir une « liberté volontaire » et à parvenir à un accord avec eux-mêmes, accord certes toujours provisoire et constamment à réinventer mais prodigue de surprenantes jouissances. Cet objectif, pour qui consent à entrer avec lui dans un échange fraternel, est pleinement atteint.
La fréquentation des Essais est un antidote aux maux qui menacent l'indépendance intellectuelle et le plaisir de vivre - illusion des certitudes, fermeture aux différences, enfermement dans les habitudes, soumission aux sollicitations extérieures, oubli de l'intériorité. Nous avons aujourd'hui plus que jamais besoin de recourir à ce contrepoison, aussi salutaire que savoureux.
p 358 Montaigne - Arlette Jouanna
Sigmund Freud :
" La conscience est la conséquence
du renoncement aux pulsions "
Pour Freud, c’est d’abord une expérience très sensible qui lui arrive en 1914 dans une église à Rome. Freud est confronté au Moïse de Michel Ange, et c’est un choc. C’est un choc dont il ne va pas se remettre.
Il va revenir tous les jours pour voir cette statue. Il va écrire un article la dessus, d’abord un article anonyme, c’est vous dire combien il y a eu un ébranlement… et en 1924 il va revendiquer cet enfant illégitime comme il le dira lui-même de la psychanalyse. Qu’est-ce qui s’est passé ?
En face de cette statue, Freud a eu une "illumination" dans le sens où il a saisi que la posture que Michel Ange avait donné à sa statue, n’est pas la posture d’un Moïse qui va casser les Tables de la Loi, mais au contraire un Moïse qui contient sa fureur, sa violence (…) le passage d’un Moïse pulsionnel à un Moïse spirituel.
Et c’est ça la question pour un psychanalyste : comment faire avec la violence ? Comment pouvoir remanier la pulsion ? Il ne s’agit pas de réprimer la pulsion, quand on réprime une pulsion on la retourne contre soi, on se fait mal et on finit par faire mal aux autres.
Quand on remanie une pulsion, on est capable d’accompagner le mouvement en pulsionnel, non pas vers l’objet pour le posséder, voir le détruire, mais au contraire pour aller dans une autre direction, autrement dit la force est mise au service d’autre chose et on passe à une dimension spirituelle, alors qu’on était enfermé dans une dimension psychique et réelle.
Jean-Michel Hirt