On dirait du Rohmer, genre Pauline à la plage
ou un autre peut être conte d'été,
en tout cas un de ces films où quelqu'un
aime quelqu'un qui en aime un autre.
Car ici aussi, il s'agit d'amour et
de non dit, d'un amour, ou de sa possibilité
et de mots qu'on échange dans une conversation
de pièges que l'on se tend
dans une intimité qui perrmet
la confidence, l'échange
entre des êtres qui jouent
et qui cherchent à travers les mots
à éclaicir ce qu'ils vivent.
Sa femme me fut très sympathique: c'était une gamine qui me dit gentiment de l'appeler Clelia et qui nous laissa seuls le
temps qu'il fallait, mais, le soir, lorsqu'elle reparut devant nous pour sortir en notre compagnie, elle était devenue une femme ravissante dont, si
j'avais été un autre, j'aurais baisé la main.
p 33
Pavese note dans son journal, le 8 octobre 1948, que les prénoms de femmes
haïes commencent par E, celles courtisées et intangibles par C. : Elena, Elvira; Concia, Cate ".
Sous peu, le romancier allait rencontrer Constance Dowling.
On parle avec une étrange prudence quand on est à demi nu : les
mots n'ont plus le même son que d'habitude, parfois on se tait et il semble que le silence lui-même libère des paroles
ambiguës.
Clelia avait une façon extatique de jouir du soleil, étendue sur les rochers, de se fondre avec ceux-ci et de s'aplatir contre le ciel, répondant à peine d'un chuchotement, d'un soupir ou d'un geste
brusque du genou ou du coude aux brèves paroles de la personne qui était à côté d'elle. Je m'aperçus bientôt que, lorsqu'elle était étendue ainsi, Clelia n'écoutait vraiment rien. Doro, qui le
savait, ne
lui parlait jamais. Il restait assis sur sa serviette, mains croisées sur ses genoux, sombre et inquiet; il ne s'étendait pas comme Clelia; et si, parfois, il essayait de le faire, au bout de
quelques minutes on le voyait se tortiller, se retourner et se mettre sur le ventre, ou se rasseoir comme précédemment.
Mais on n'était jamais seuls. La plage tout entière grouillait et causait ~
c'est pour cela que Clelia préférait au sable de tout le monde les rochers, la pierre dure et glissante. Lorsqu'elle se relevait, secouant ses cheveux, abrutie de
soleil et riant,
elle nous demandait de quoi nous avions parlé et regardait qui était là. Il Y avait des amies, il y avait Guido, il y avait toute la bande. L'un sortait alors de l'eau. Un autre y entrait
prudemment. Guido, dans son peignoir en tissu éponge blanc, arrivait
avec des connaissances toujours nouvelles, qu'il congédiait au pied du parasol. Et puis, il grimpait sur le rocher et blaguait Cie lia, mais il n'entrait jamais dans la mer.
P 109
« … Il faut comprendre la vie, dit-il encore, en clignant de l’œil avec une expression
gênée. La comprendre quand on est jeune. »
P 117
-
Pourquoi lui racontes-tu cela ? dit Doro. Pour supporter les souvenirs d’enfance d’un autre, il faut en
être amoureux.
-
Mais il m’aime », dit Clelia.
P 139
Il n'y avait que quelques jours que j'étais à la mer et j'avais l'impression
qu'il y avait un siècle. Pourtant, il ne s'était rien passé. Mais la nuit, quand je
rentrais, j'avais le sentiment que toute la journée écoulée - la banale journée de plage - attendait de ma part je ne sais quel effort d'élucidation pour que je puisse m 'y reconnaître.
P 171
Après le dîner, Guido nous rejoignit à la villa avec un certain air de fête, nous amenant
Ginetta dans son auto. Pendant que Doro et Guido parIaient de choses de
leur travail, moi j'écoutais CIelia et Ginetta et je repensais à cette saillie de Doro
quand nous descendions de la montagne: que la caractéristique de quelqu'un qui se marie, c'est de vivre avec plus d'une femme. MaisGinetta était-elle une femme? Son sourire boudeur et le côté
envahissant de certaines de ses opinions en fai-
saient plutôt un adolescent sans sexe. Je comprenais de moins en moins comment Clelia avait pu, étant jeune fille, ressembler à cette Ginetta. Il
y avait chez celle-ci une gaminerie réservée, retenue, mais qui, parfois, lui libérait 1 tout le
corps.
Ce n'était certainement pas elle qui se serait confessée à ses amis, et pourtant, quand on la regardait parler, on avait le sentiment que rien ne restait caché en elle. Les yeux gris qu'elle ouvrait sans
ostentation avaient une clarté aérienne.
P 173
- Mais toutes les années sont idiotes. C’est une fois qu’elles sont passées
qu’elles deviennent intéressantes.
P 199
« … Professore, me dit-il après un bref silence, il suffit de faire de la nuit le
jour.
Tout devient beau. »
P 223
Improbable rapprochement, Bea Szenfeld prensete une expo intitulée "Sur la plage"
Bea Szenfeld est une designer textile née en 1972 en Pologne. Depuis 1982 elle vit en Suède et réside actuellement à Stockholm. Ses créations haute couture sont issues de vêtements seconde main
et de tissus récupérés lors de braderies.