"Les violences sont inouïes et ne s'expriment pas seulement à l'égard des cadres dirigeants de l'entreprise, mais aussi de leurs femmes ou bien même de leurs
enfants."
Laurence Parisot le 21 avril 2009
Il est vrai que les 733 licenciements programmés dans les deux usines iséroises de Caterpillar ou les suicides des salariés de France télécom ne relèvent pas
d'une violence faite aux salariés par un mode de production et une organisation du travail qui ne voient dans l'homme qu'une variable d'ajustement pour maximiser le taux de profit.
Sur Agorax vox Paul Moreira parle de son livre "Travailler à en mourir" : link
Un livre de photos rend visible les invisibles.
"Les caterpillés", de Bernard Ciancia. 5 €.
Le photographe cède ses droits d'auteur à l'association "La mémoire des Caters".
La Ville d'Échirolles et le conseil général ont participé à la publication de ce livre.
En échos aux propos de la patronne des patrons on préfère la parole des licenciés : « Prends-nous en photo, on nous
assassine... »,
avait lancé un gréviste au photographe.
Il l'a fait. Merveilleusement bien.
Un article de l'huma link
"En enfermant Albertine j'avais du même coup rendu à l'univers toutes ces ailes chatoyantes qui bruisent dans les promenades, dans les bals, dans les théâtres,
et qui redevenaient tentatrices pour moi parce qu'elle ne pouvait plus succomber à leur tentation. Elles faisaient la beauté du monde. Elles avaient fait jadis celle d'Albertine. C'est parce que
je l'avais vue comme un oiseau mystérieux, puis comme une grande actrice de la plage, désirée, obtenue peut-être, que je l'avais trouvée merveilleuse. Une fois captif chez moi l'oiseau que
j'avais vu un soir marcher à pas comptés sur la digue, entouré de la congrégation des autres jeunes filles pareilles à des mouettes venues on ne sait d'où, Albertine avait perdu toutes ses
couleurs, avec toutes les chance qu'avaient les autres de l'avoir à eux. Elle avait peu à peu perdu sa beauté. Il fallait des promenades comme celles-là où je l'imaginais sans moi accotée par
telle femme ou tel jeune homme pour que je la revisse dans la splandeur de la plage, bien que ma jalousie fût sur un autre plan que le déclin des plaisirs de mon imagination."
p 162 La prisonnière - Marcel Proust "Dans le soleil de la plage, Albertine, au milieu de ses amies, était la plus belle." p 163 La prisonnière - Marcel Proust "Elle était parée pour moi de ce charme de l'inconnu" p 132 La prisonnière - Marcel Proust "Au reste, si l'on cherche à faire tenir dans une formule la loi de nos curiosités amoureuses, il faudrait la chercher dans le maximum d'écart entre une femme aperçue et une femme approchée,
caressée." p 132 La prisonnière - Marcel Proust
Une analyse du film "la captive" de Chantal Akerman link
ou encore link
Comment ne pas penser à la figure du labyrinthe avec le prénom d'Ariane qui remplace celui d'Albertine.
Voici ce que l'on trouve à labyrinthe sur wikipédia : " Le mythe du labyrinthe est une double représentation de l’Homme et de sa condition : il représente l’Homme obscur à lui-même, qui se perd en essayant de
se connaître. Il symbolise l’âme humaine dans toute sa complexité, au plus intime d'elle-même renfermant le mal (ainsi peut s'interpréter l'image de la créature monstrueuse qu'est le minotaure
enfermé au cœur du labyrinthe).
Le labyrinthe représente aussi l’Homme face à l’univers : perdu, ne sachant d’où il vient, où il est, où il va, et cherchant à sortir de cet état, c’est-à-dire à trouver des réponses aux
questions qu'il se pose.
Le labyrinthe est ainsi une métaphore sur le sens de la vie : l'envol de Dédale et Icare peut symboliser l’élévation de l’esprit vers la connaissance ou celle de l’âme vers la spiritualité ,
qui permet de sortir de l’enfermement et de l'absurdité de la condition humaine."
Images en miroir sur le thème
Une série passionnante autour d'un manuscrit, d'un livre qui sert de prétexte à l'intrigue , parfois de manière assez tenu comme dans le tome 4, dans lequel on
l'oublie presque complètement. Dessiné chaque fois par un illustrateur différent et pouvant être lu dans n'importe quel ordre, le scénario est bien ancré dans une actualité proche comme dans "la
Fatwa" où le personnage de Halid Riza nous rappelle Salman Rushdie auteur "des versets sataniques", dans un contexte géographique comme la Grèce des Météores
ou dans l'histoire récente.
tome 1 Glasgow, de nos jours.. Un mystérieux manuscrit about it sur le bureau de Simon Broemecke, jeune directeur éditorial rêvant lui-même de gloire littéraire. Venu tout
droit du passé, ce document va faire basculer plusieurs destins, dont ceux de Simon et Gwen, la femme qui l'a quitté et qu'il continue à aimer comme un fou. Le nom de ce manuscrit : Nahik.
tome 2 Merwan et Aline s'aiment. Elle est danseuse, elle adore la vie, la fête et les voyages. Il est
musulman et milite depuis peu dans un mouvement intégriste. La rupture survient à la gare de l'Est. Alors que le jeune beur, humilié, impuissant et déchiré, regarde son amie monter dans le
mythique Orient-Express, il croit reconnaître parmi les voyageurs l'écrivain Haild Riza, sur lequel pèse une fatwa de deux millions de dollars. Instinctivement, Merwan saute dans le train.
Ignorant que dans la valise du romancier se trouve un livre mystérieux et terrible qui va changer son destin.
tome 3 Noël 1958, malgré la neige et le froid, Shelley McGuire exulte : bientôt elle va tenir, entre ses mains le mythique Nahik ! Un ouvrage que l'on
croyait perdu et qui renferme des éléments essentiels à ses propres recherches sur l'Islam. Il se trouverait dans le Météore d'Hagios Manolis, un de ces fameux monastères grecs perchés au sommet
de pitons presque inaccessibles. Six hommes accompagnent Shelley, six hommes dont elle ne sait rien et qui, pour des raisons différentes, recherchent tous le même livre. Or, dans la région rôde
un psychopathe particulièrement retors qui défigure ses victimes avant d'emprunter leur identité. Un personnage étrange, lié lui aussi à Nahik...
tome 4
Rome, 1946, dans la gigantesque débâcle d'après-guerre, le père Davor Stimac tente de sauver vilko Topic, un ami d'enfance condamné à mort par les
vainqueurs.
Une tâche difficile, mais en sa qualité d'ecclésiastique, il peut utiliser le réseau Ratline mis en place par le Vatican pour exfiltrer certains criminels de
guerre.
En guise de remerciements, Vilco lui offre le seul bien qui lui reste, un livre au nom étrange et au contenu déconcertant : Nahik. Mais tandis qu'il essaie de
berner les alliés, Davor se retrouve soudain face à Miléna, la femme qu'il a passionnément aimée avant de rentrer dans les ordres. Miléna qui traque Vilko pour un crime dont le prêtre ignore la
nature... Tout comme il ignore à quel point la jeune serbe est elle-même liée à Nahik.
Notre préféré, une histoire d'amour sur fond de naissance de la Yougoslavie, des personnages broyés par l'histoire qu'ils fond, en
même temps qu'elle les emporte dans un destin où ils espèrent, malgré tout, que le bonheur est possible.
Sur TBC pseudonyme de Lavric Tomaz dessinateur né en Yougoslavie : link
Parce que même
si personne n'en a Cure
elle nous emmène en Paradis
n'en déplaise à Robert Smith...
mais parions que ça lui plaise
beaucoup...
Et puis que la Géorgie
semble jolie
à travers de tels yeux...
Dans la logique qui semble être celle de nos gouvernants depuis leur nouvelle lubie "d'identité nationale", c'est la
romancière Marie Ndiaye qui se retrouve sous la mitraille d'un franc tireur, adepte du couvre feu, qui espère sans doute faire taire ceux qui sortent du rang, qui sortent de la réserve où tel les
bons sauvages on pourrait admirer sans risque leur étrange étrangeté. Mais le temps n'était pas si loin où des étrangers, pourtant, criaient la France en s'abattant.
C'était la France de Guy Moquet avant que l'on vide les symboles de leur sens pour s'en servir de propagande, c'était la France d'avant...
L'édito de François Jarraud sur le café pédagogique :
Anastasie mon amie…
Dans quel pays les écrivains doivent-ils s'abstenir de tout propos ou écrit
pouvant froisser l'Etat ?
La Russie ? L'Iran ? La Chine ?
Non la France.
Celle de Napoléon ? De Louis XVI ?
Non celle du député UMP Eric Raoult.
Dans une question au ministre de la culture il relève que Marie Ndiaye,
prix Goncourt 2009, a eu des mots durs pour le gouvernement français. Elle n'aime ni Sarkozy, ni Besson, ni Hortefeux. Eric Raoult estime que " le message délivré par les lauréats (du prix
Goncourt) se doit de respecter la cohésion nationale et l'image de notre pays" et qu'il existe un " devoir de réserve, dû aux lauréats du prix Goncourt (sic)… Une personnalité qui défend les
couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d'un certain respect à l'égard de nos institutions, et de respecter le rôle et le symbole qu'elle représente. C'est pourquoi il lui
paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve".
Et on imagine Marcel Proust, André Malraux, Julien Gracq, Simone de
Beauvoir, Romain Gary, Marguerite Duras venir soumettre humblement leur œuvre au député Raoult.
Qui a bien pu écrire "pourvu que je ne parle ni de l'autorité, ni de la
politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, je puis tout imprimer librement, sous la direction, néanmoins, de deux ou trois censeurs ?"…. Ce
n'était pas un prix Goncourt… Juste un écrivain français.
Les propos de la remancière aux Inrock : c’est Marie NDiaye, qui a commis le crime de lèse-majesté en déclarant aux Inrocks le 18 août, commentant son départ pour Berlin. « Nous
sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy. (…) Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve
monstrueux », avant de poursuivre : « Je me souviens d’une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j’aime, même si je ne la reprendrais pas à mon compte.
Elle avait dit : “La droite, c’est la mort.” Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d’abêtissement de la réflexion, un refus d’une différence possible. » M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le devoir de réserve, dû aux lauréats du prix Goncourt. En
effet, ce prix qui est le prix littéraire français le plus prestigieux est regardé en France, mais aussi dans le monde, par de nombreux auteurs et amateurs de la littérature française. À ce titre,
le message délivré par les lauréats se doit de respecter la cohésion nationale et l'image de notre pays. Les prises de position de Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009, qui explique dans une interview
parue dans la presse, qu'elle trouve « cette France [de Sarkozy] monstrueuse », et d'ajouter « Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux », sont inacceptables. Ces propos d'une
rare violence, sont peu respectueux voire insultants, à l'égard de ministres de la République et plus encore du chef de l'État. Il lui semble que le droit d'expression ne peut pas devenir un droit
à l'insulte ou au règlement de comptes personnel. Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d'un certain respect à l'égard de nos institutions, et de
respecter le rôle et le symbole qu'elle représente. C'est pourquoi il lui paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d'une plus grande exemplarité
et responsabilité. Il lui demande donc de lui indiquer sa position sur ce dossier, et ce qu'il compte entreprendre en la matière.
Marie Ndiaye, qui avait pourtant largement tempéré ses propos parus dans les inrock lors d'une interview sur Europe 1, a logiquement demandé au ministre de la culture
de répondre
en lui rappelant qu'il s'était engagé lors de l'affaire Polanskià soutenir les artistes.
dans un registre différent, François Cluzet pioche dans le même marécage nauséabond
de l'identité nationale en évoquant Salah Hamouri :
« Ce qui est intéressant dans le cadre de l'identité nationale
dont on parle en ce moment, c'est le cas d'un type qui
s'appelle Salah Hamouri. Un Français qui est en prison
en Israël pour délit d'opinion. Nicolas Sarkozy a dit :
"J'irai chercher n'importe quel Français quoi qu'il ait
fait, où qu'il soit." Or Salah Hamouri est depuis quatre
ans en prison en Israël ! C'est un Franco-Palestinien. Il
est français de mère, palestinien de père. Et il est en
prison simplement parce qu'il a dit qu'il était contre la
colonisation. Personne n'en parle ! C'est un Français ;
on parle d'identité nationale ; ça fait quatre ans qu'il
est en taule et personne n'en parle ! Vous ne savez
même pas qui c'est (il s'adresse au journaliste Laurent
Delahousse, NDLR), monsieur Copé non plus ! II y a
un comité de soutien pour ce Salah Hamouri, qui va de
l'UMP au NPA. Donc ce n'est pas une histoire
politique. C'est l'histoire d'un de nos concitoyens qui
est en taule depuis quatre ans dans un pays où
apparemment on dit aux Français : c'est notre affaire !
(...) II est en prison, il faut le faire sortir. »
François Cluzet, 8 novembre 2009, sur France 2.
Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité.
P 36
Je voudrais avoir vécu au temps des vrais voyages, quand s’offrait dans toute
sa splendeur un spectacle non encore gâché, contaminé, maudit.
P 42
Chaque homme écrit Chateaubriand, porte en lui un monde composé de tout
ce qu’il a vu et aimé, et où il rentre sans cesse, alors même qu’il parcourt
et semble habiter un monde étranger.
P 44
Etait-ce donc cela le voyage ? Une exploration des déserts de ma mémoire,
plutôt que de ceux qui m’entouraient ?
P 452
A agir chez soi, on se prive de comprendre le reste, mais à tout vouloir comprendre on renonce à rien
changer.
P 462
Le monde a commencé sans l'homme et il s'achèvera sans lui.
p 495
Mais en plus d'être un formidable penseur Claude Lévi-Strauss est un écrivain qui a du style :
Mais ce remède qui leur a manqué sur le plan social, ou qu'ils se sont interdit
d'envisager, ne pouvait quand même leur échapper complètement. De façon insidieuse, il a
continué à les troubler. Et puisqu'ils ne pouvaient pas en prendre conscience et levivre, ils se sont mis à le rêver.Non pas sous une forme
directe qui se fût heurtée à leurs préjugés; sous une forme transposée et en apparence inoffensive : dans leur art. Car si cette analyse est exacte, il faudra en définitive interpréter l'art
graphique des femmes caduveo, expliquer sa mystérieuse séduction et sa complication au premier abord gratuite, comme le phantasme d'une société qui
cherche, avec une passion inassouvie, le moyen d'exprimer symboliquement les institutions qu'elle pourrait avoir, si ses intérêts et ses
superstitionsne l'en empêchaient. Adorable civilisation, de qui les reines cernent le songe avec leur fard : hiéroglyphes décrivant un inaccessible âge d'or qu'à défaut de code
elles célèbrent dans leur parure, et dont elles dévoilent les mystères en même temps que leur nudité. p 227
Les Bororo ont eu beau épanouir leur système dans une prosopopée fallacieuse, pas plus que d'autres ils ne sont parvenus à démentir cette vérité : la
représentation qu'une société se fait du rapport entre les vivants et les morts se réduit à un effort pour cacher, embellir ou justifier, sur le plan de la pensée religieuse, les relations
réelles qui prévalent entre les vivants.
Claude Lévi-Strauss déclarait au philosophe Didier Eribon, dans un livre d'entretien : « Le don quichottisme, me semble-t-il, c'est, pour l'essentiel, un désir obsédant de retrouver le passé derrière le présent. Si d'aventure un original se
souciait un jour de comprendre quel fut mon personnage, je lui offre cette clé. »