Barbara Havers et Thomas Linleyune sorte de Daniel Wilde et Brett Sinclair (The Persuaders) de sexe opposé, une antithèse un
peu forcée et convenue,le riche et la pauvre, le beau cavaleur et la moche coincée, une figure de style batie sur des
oppositions qui laissent penser que leur principale vertue, contrairement aux polarités électriques, sera au bout de la narration de réduire cet écart qui les sépare en révélant le poid d'un
passé que chacun porte comme une croix et ce ne sera pas la seule référenceau religieu qui sera convoqué par l'évocation d'un personnage dont le nom
suffirait à mettre sur la piste un lecteur sagace imprégné de culture biblique. (suivre le lien si l'on veut connaître l'épisode : Loth et ses filles )
Des personnages auxquels on s'attache peu malgré tout, malgré le pathos qui colle à la peau de cette pauvre Barbara peut être à cause des stéréotypes sur lesquels ils sont construits.
Par contre l'énigme repose sur une mécanique de précision, un puzzle éclaté dont les morceaux oubliés parviennent à s'insérer à leur place de façon convaincante. Les références à l'oeuvre des
soeurs Brontë sont nombreuses et l'un des ouvrages contient d'ailleurs une clé dont les limiers du Yard se serviront.
L'enquête fera surgir du passé l'ombre tutélaire de Shakespeare dont l'univers sombre habité de passions vangeresses semble planer sur Keldale : "Le meurtre suit la luxure, comme la fumée la flamme."
Périclès
Un portrait qui donne vraiment envie de mieux connaître Barb... "A trente ans, Barbara Havers était résolument laide et fermement décidée à le rester. Elle aurait pu choisir, pour ses fins cheveux brillants couleur de pin, une coupe adaptée à la forme de
son visage. Mais elle s'obstinait à les porter au ras des oreilles, à croire que le coiffeur lui avait fourré un bol trop petit sur la tête. Elle ne se maquillait pas. Ses sourcils épais et non
épilés faisaient ressortir la petitesse des yeux au lieu d'en souligner l'intelligence. La bouche mince que ne rehaussait aucune touche de couleur était perpétuellement pincée en une moue
désapprobatrice. Trapue, l'air costaud, elle donnait l'impression d'être absolument inabordable."
p 33
Ajoutons qu'elle se fringue comme une patate et vous aurez un apperçu assez complet de la miss
De l'humour involontaire ? " - Pourquoi supprimer le chien?
- II ne la connaissait pas. Il n'était pas là dix-neuf ans plus tôt. Tessa était une étrangère pour lui.
- Elle aurait décapité son premier mari? (Havers fronça les sourcils.) Il aurait été plus simple de divorcer.
- Non, pas pour un catholique.
- Admettons. Tout de même, je vois mieux Russell dans le rôle du meurtrier. Où est-il donc passé ?"
p 226
C'est qu'on ne plaisante pas avec le mariage...
Son nom sonne comme une voiture anglaise mais ses origines sont plutôt à chercher du côté de Nice et si l'on remonte encore plus loin jusqu'à l'île Maurice. Dans son recueil de nouvelles "La ronde et autres faits divers" qui met en scènes des personnages dont la vie se referme sur eux, Le Clézio réussit ce paradoxe
d'ouvrirle monde à un espoir toujours inscrit dans un horizon possible, inséparable de cette condition humaine qu'il rend si touchante,grâce à une écriture qui transfigure la réalité la faisant passer dans un état de conscience où les mots s'approchent du rêve et des images qu'il porte.
David
Devant lui, à travers le brouillard de ses larmes, il voit aussi le visage de sa mère qui attend dans
l'appartement obscur, loin au-delà des murs abrupts et des vallées turbulentes de la ville moderne. Il voit cela très vite, en même temps
qu'apparaissent, au bout du grand magasin, les uniformes des gardes. Mais cela lui est égal, il n'a plus peur de la solitude, il ne peut plus craindre le monde, ni les regards des gens, parce
qu'il connaît maintenant la porte qui conduit vers son frère Edouard, vers sa cachette secrète d'où on ne revient jamais.
P 245
Villa Aurora
C'était comme si une longue maladie m'avait séparé de l'enfance, des jeux, des secrets, des chemins, et qu'il
n'avait plus été possible de faire la jonction entre les deux morceaux séparés. Celui qui avait disparu en moi, où était-il ? Mais pendant des années, il ne s'était pas rendu compte de la
rupture, frappé d'amnésie, rejeté à jamais dans un autre monde.
P 103
La grande vie
Poussy n'écoutait pas. Elle regardait le profil entêté de Pouce, et elle ne pensait pas à ce qui allait
suivre, aux longues attentes dans des corridors poussiéreux et dans des cellules sans jour. Elle pensait seulement au temps où elles allaient repartir, loin, repartir, cette fois, pour ne plus
jamais revenir.
P 168
Le passeur
Quand il est au sommet, c'est le soir, et il voit le paysage de l'autre côté, les vallonnements,
les
villages qui fument dans l'ombre. Tout à fait en bas, dans la faille sombre de la terre, monte la brume
cotonneuse le long du fleuve Roïa, celui qu'il a traversé il y a un an, le fleuve presque sans eau de l'oubli. Malgré le vent glacé qui vient des cimes enneigées, il se couche sur le bord de la
falaise, et les yeux agrandis par la fatigue, il regarde au loin, comme si son regard pouvait éveiller quelque part, malgré le temps, malgré le silence, les yeux de Lena.
Peter Robinson est un écrivain Canadien né dans le Yorkshire en 1950. D'une structure narrative désormais devenue classique puisque le récit se développe selon une alternance à la fois temporelle et déictique, qui mélange les points
de vue et les époques, l'histoire nous ramène durant la seconde guerre mondiale avec ses restrictions et ses couvre feu. L'inspecteur Alan Bank, tout juste séparé de Sandra, mais pas encore totalement sevré, repart dans une enquête qui lui fera découvrir le major Cabbot, Annie de
son prénom, avec laquelle il nouera une relation qui ne devrait pas trop surprendre n'importe quel lecteur pas trop bas du plafond. Pas vraiment de surprise donc, dans cet opus, mais la lecture reste quand même agréable et puis il y a la musique et l'on se prend à imaginer de futurs livres où
l'on pourra écouter les morceaux que nous égraine Robinson et là ce sera vraiment to good.
Miss Cabot dans le texte :
"La femme le regarda en fronçant les sourcils. Environ la trentaine, elle avait de longues jambes et était grande et mince — probablement à peine plus petite que Banks et son mètre
soixante-douze. Elle était vêtue d'un jean bleu et d'un chemisier blanc coupé dans un tissu soyeux. Par-dessus, elle portait une veste à chevrons qui épousait sa taille et les rondeurs
de ses hanches. Ses cheveux châtains, séparés par une raie, retombaient en un dégradé ondulé et souple sur ses épaules. Elle avait un visage ovale, le teint hâlé, une bouche pleine ornée d'un
petit grain de beauté à la commissure des lèvres. Quand elle enleva ses lunettes de soleil, ses yeux en amande le dévisagèrent avec le plus grand sérieux, comme si c'était un extra-terrestre.
Elle n'était pas belle au sens conventionnel du terme. Elle n'aurait pas fait la couverture d'un magazine, mais elle ne manquait pas d'allure et respirait l'intelligence. Et ses bottes rouges
achevaient de par- faire le tableau."
p 37
Parfois le texte semble décoller un peu, mais pas pour longtemps hélas : "Un oiseau nocturne cria au loin ; un cri brisé, lugubre, comme en réponse à la menace d'un prédateur. Banks écrasa sa cigarette et rentra. En se déshabillant, il pensa au squelette de cette
main probablement humaine, et au major Cabbot, bien humaine, elle. Il pensa à Hobb's End, ce village détruit, oublié, et soudainement resurgi des profondeurs aquatiques avec tous ses secrets. Et
quelque part dans son esprit, dans les ténèbres qui transcendent les domaines de la logique et de la raison, il entendit un écho, un déclic, et sentit une intangible connexion s'établir avec le
passé."
p 67
- Le Voyeur du Yorkshire (1987) (Gallows View)
- Le Rocher aux corbeaux (1988) (A Dedicated Man)
- Matricule 1139 (1989) (A Necessary End)
- La Vallée des ténèbres (1989) (The Hanging Valley)
- Noir comme neige (1991) (Past Reason Hated)
- Wednesday's Child (1992)
- Tous comptes faits (1994) (Final account + titre américain Dry Bones That Dream)
- Un Goût de brouillard et de cendres (1996) (Innocent Graves)
- Sang à la racine '1997) (Dead Right - titre américain Blood at the Root)
- Not Safe After Dark (1998), un recueil de nouvelles
- Saison sèche (1999) (In A Dry Season)
- Froid comme la tombe (2000) (Cold is the Grave)
- Beau monstre (2001) (Aftermath)
- L'été qui ne s'achève jamais (2003) (The Summer That Never Was + titre américain Close to Home))
- Ne jouez pas avec le feu (2004) (Playing with Fire)
"Les plus redoutables ennemis des Finlandais sont la mélancolie, la tristesse, l'apathie. Une
insondable lassitude plane sur ce malheureux
peuple et le courbe depuis des milliers d'années
sousson joug, forçant son âme à la noirceur et à la gravité. Le poids du pessimisme est tel que beaucoup
voient dans la mort le seul remède à leurangoisse.
Le spleen est un adversaire plus impitoyable que
l'Union soviétique."
"En enfermant Albertine j'avais du même coup rendu à l'univers toutes ces ailes chatoyantes qui bruisent dans les promenades, dans les bals, dans les théâtres,
et qui redevenaient tentatrices pour moi parce qu'elle ne pouvait plus succomber à leur tentation. Elles faisaient la beauté du monde. Elles avaient fait jadis celle d'Albertine. C'est parce que
je l'avais vue comme un oiseau mystérieux, puis comme une grande actrice de la plage, désirée, obtenue peut-être, que je l'avais trouvée merveilleuse. Une fois captif chez moi l'oiseau que
j'avais vu un soir marcher à pas comptés sur la digue, entouré de la congrégation des autres jeunes filles pareilles à des mouettes venues on ne sait d'où, Albertine avait perdu toutes ses
couleurs, avec toutes les chance qu'avaient les autres de l'avoir à eux. Elle avait peu à peu perdu sa beauté. Il fallait des promenades comme celles-là où je l'imaginais sans moi accotée par
telle femme ou tel jeune homme pour que je la revisse dans la splandeur de la plage, bien que ma jalousie fût sur un autre plan que le déclin des plaisirs de mon imagination."
p 162 La prisonnière - Marcel Proust "Dans le soleil de la plage, Albertine, au milieu de ses amies, était la plus belle." p 163 La prisonnière - Marcel Proust "Elle était parée pour moi de ce charme de l'inconnu" p 132 La prisonnière - Marcel Proust "Au reste, si l'on cherche à faire tenir dans une formule la loi de nos curiosités amoureuses, il faudrait la chercher dans le maximum d'écart entre une femme aperçue et une femme approchée,
caressée." p 132 La prisonnière - Marcel Proust
Une analyse du film "la captive" de Chantal Akerman link
ou encore link
Comment ne pas penser à la figure du labyrinthe avec le prénom d'Ariane qui remplace celui d'Albertine.
Voici ce que l'on trouve à labyrinthe sur wikipédia : " Le mythe du labyrinthe est une double représentation de l’Homme et de sa condition : il représente l’Homme obscur à lui-même, qui se perd en essayant de
se connaître. Il symbolise l’âme humaine dans toute sa complexité, au plus intime d'elle-même renfermant le mal (ainsi peut s'interpréter l'image de la créature monstrueuse qu'est le minotaure
enfermé au cœur du labyrinthe).
Le labyrinthe représente aussi l’Homme face à l’univers : perdu, ne sachant d’où il vient, où il est, où il va, et cherchant à sortir de cet état, c’est-à-dire à trouver des réponses aux
questions qu'il se pose.
Le labyrinthe est ainsi une métaphore sur le sens de la vie : l'envol de Dédale et Icare peut symboliser l’élévation de l’esprit vers la connaissance ou celle de l’âme vers la spiritualité ,
qui permet de sortir de l’enfermement et de l'absurdité de la condition humaine."
Images en miroir sur le thème
Dans la logique qui semble être celle de nos gouvernants depuis leur nouvelle lubie "d'identité nationale", c'est la
romancière Marie Ndiaye qui se retrouve sous la mitraille d'un franc tireur, adepte du couvre feu, qui espère sans doute faire taire ceux qui sortent du rang, qui sortent de la réserve où tel les
bons sauvages on pourrait admirer sans risque leur étrange étrangeté. Mais le temps n'était pas si loin où des étrangers, pourtant, criaient la France en s'abattant.
C'était la France de Guy Moquet avant que l'on vide les symboles de leur sens pour s'en servir de propagande, c'était la France d'avant...
L'édito de François Jarraud sur le café pédagogique :
Anastasie mon amie…
Dans quel pays les écrivains doivent-ils s'abstenir de tout propos ou écrit
pouvant froisser l'Etat ?
La Russie ? L'Iran ? La Chine ?
Non la France.
Celle de Napoléon ? De Louis XVI ?
Non celle du député UMP Eric Raoult.
Dans une question au ministre de la culture il relève que Marie Ndiaye,
prix Goncourt 2009, a eu des mots durs pour le gouvernement français. Elle n'aime ni Sarkozy, ni Besson, ni Hortefeux. Eric Raoult estime que " le message délivré par les lauréats (du prix
Goncourt) se doit de respecter la cohésion nationale et l'image de notre pays" et qu'il existe un " devoir de réserve, dû aux lauréats du prix Goncourt (sic)… Une personnalité qui défend les
couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d'un certain respect à l'égard de nos institutions, et de respecter le rôle et le symbole qu'elle représente. C'est pourquoi il lui
paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve".
Et on imagine Marcel Proust, André Malraux, Julien Gracq, Simone de
Beauvoir, Romain Gary, Marguerite Duras venir soumettre humblement leur œuvre au député Raoult.
Qui a bien pu écrire "pourvu que je ne parle ni de l'autorité, ni de la
politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, je puis tout imprimer librement, sous la direction, néanmoins, de deux ou trois censeurs ?"…. Ce
n'était pas un prix Goncourt… Juste un écrivain français.
Les propos de la remancière aux Inrock : c’est Marie NDiaye, qui a commis le crime de lèse-majesté en déclarant aux Inrocks le 18 août, commentant son départ pour Berlin. « Nous
sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy. (…) Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve
monstrueux », avant de poursuivre : « Je me souviens d’une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j’aime, même si je ne la reprendrais pas à mon compte.
Elle avait dit : “La droite, c’est la mort.” Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d’abêtissement de la réflexion, un refus d’une différence possible. » M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le devoir de réserve, dû aux lauréats du prix Goncourt. En
effet, ce prix qui est le prix littéraire français le plus prestigieux est regardé en France, mais aussi dans le monde, par de nombreux auteurs et amateurs de la littérature française. À ce titre,
le message délivré par les lauréats se doit de respecter la cohésion nationale et l'image de notre pays. Les prises de position de Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009, qui explique dans une interview
parue dans la presse, qu'elle trouve « cette France [de Sarkozy] monstrueuse », et d'ajouter « Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux », sont inacceptables. Ces propos d'une
rare violence, sont peu respectueux voire insultants, à l'égard de ministres de la République et plus encore du chef de l'État. Il lui semble que le droit d'expression ne peut pas devenir un droit
à l'insulte ou au règlement de comptes personnel. Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d'un certain respect à l'égard de nos institutions, et de
respecter le rôle et le symbole qu'elle représente. C'est pourquoi il lui paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d'une plus grande exemplarité
et responsabilité. Il lui demande donc de lui indiquer sa position sur ce dossier, et ce qu'il compte entreprendre en la matière.
Marie Ndiaye, qui avait pourtant largement tempéré ses propos parus dans les inrock lors d'une interview sur Europe 1, a logiquement demandé au ministre de la culture
de répondre
en lui rappelant qu'il s'était engagé lors de l'affaire Polanskià soutenir les artistes.
dans un registre différent, François Cluzet pioche dans le même marécage nauséabond
de l'identité nationale en évoquant Salah Hamouri :
« Ce qui est intéressant dans le cadre de l'identité nationale
dont on parle en ce moment, c'est le cas d'un type qui
s'appelle Salah Hamouri. Un Français qui est en prison
en Israël pour délit d'opinion. Nicolas Sarkozy a dit :
"J'irai chercher n'importe quel Français quoi qu'il ait
fait, où qu'il soit." Or Salah Hamouri est depuis quatre
ans en prison en Israël ! C'est un Franco-Palestinien. Il
est français de mère, palestinien de père. Et il est en
prison simplement parce qu'il a dit qu'il était contre la
colonisation. Personne n'en parle ! C'est un Français ;
on parle d'identité nationale ; ça fait quatre ans qu'il
est en taule et personne n'en parle ! Vous ne savez
même pas qui c'est (il s'adresse au journaliste Laurent
Delahousse, NDLR), monsieur Copé non plus ! II y a
un comité de soutien pour ce Salah Hamouri, qui va de
l'UMP au NPA. Donc ce n'est pas une histoire
politique. C'est l'histoire d'un de nos concitoyens qui
est en taule depuis quatre ans dans un pays où
apparemment on dit aux Français : c'est notre affaire !
(...) II est en prison, il faut le faire sortir. »
François Cluzet, 8 novembre 2009, sur France 2.
Nulle part je n'avais éprouvé à ce point combien tout art sacré suppose
que ceux auxquels il s'adresse tiennent pour assurée l'existence
d'un secret du monde, que l'art transmet sans le dévoiler,
et auquel il les fait participer.
p 287
Malraux - Antimémoires