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23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 08:25
Livre00
"Le sens de la vie consiste à s'immerger dans la beauté.
Pas nécessairement à la créer.
Citation reprise d'un article sur fluctuat.net : link


Camus voulait imaginer Sisyphe heureux.
Après la lecture de ce livre, vous ne pourrez plus qu'imaginer
Leg Sadovsky aussi réélle et vivante
qu'un personnage de roman peut l'être,
lumineuse et libre,
incarnation heureuse
de ce que pourrait être une vie
où la liberté ressemble à une course
que rien ne parvient à arrêter.
Il faut imaginer Leg Sadovsky
filant comme l'éclair sur ses longues jambes
ses cheveux flottant au vent...



Sur le moment, on ne sait jamais qu'on est heureux tant la vie a un caractère immédiat : on vogue toutes voiles dehors, on est pris par une fièvre de mouvement. Jusqu'à ce que, tout danger désormais écarté puisque tout est joué, passé, mort, on déclare, comme se réveillant d'un rêve : « Oui, j'étais heureuse, à  l'époque.  Oui,  maintenant  que  tout  est  fini,  je comprends qu'alors, j'étais heureuse. » C'est peut-être pour ça que mourir est un avantage ?

P 69

 

Legs Sadovsky a grandi - elle doit mesurer au moins un mètre soixante-douze; visage anguleux, regard inquisiteur, affamé, impatient : elle est belle, oui, mais comme elle ne prend aucun soin d'elle sa beauté ne durera pas. Maddy l'observe, se demandant quel lien existe entre elles, et ce qu'il en adviendra – Maddy Wirtz et cette jeune femme au corps presque masculin, si  mince,  si  dense,  si  musclé : aux  cheveux  coupés court sauvagement dressés sur le front comme une crête  d'oiseau.  Legs  porte  un  pull  de  coton  sans manche de couleur chartreuse, assez moulant pour souligner ses vertèbres et ses petits seins durs aux mamelons pointus, un pantalon noir à taille basse avec une ceinture à médaillons d'argent, cadeau de quelqu'un (une des gardiennes ?) à la sortie de Red Bank; rien que dans sa façon de se tenir, il y a quelque chose d'agressif et de sexuel : os iliaques et pelvis saillants, estomac si plat qu'il en est presque concave, contrastant avec un mont de Vénus subtilement bombé, et ses pupilles sont si dilatées que ses yeux semblent noirs - Ils ont raison, elle est dangereuse.

Et alors ?

P 227

 

Marianne montre ensuite sa chambre à Margaret. Située au second étage de la maison, cette pièce est la plus jolie qu'on puisse imaginer, un vrai sucre d'orge avec ses raies rosés et cramoisies. Il y a un lit à colonnes surmontées d'un baldaquin sur lequel s'empilent des oreillers à l'ancienne recouverts de taies brodées - broderies ressemblant à celles que font les vieilles femmes de Lowerton, ces immigrantes qui parlent le tchèque, le polonais, le hongrois et l'allemand plutôt que l'anglais. Legs, un instant déroutée, est brusquement saisie d'une rage inexplicable. Comment le fin travail exécuté par des pauvres, le produit de leur fatigue, de la lassitude de leur âme, le travail d'esclave, d'esclave-salarié, peut-il finir inévitablement entre les mains des riches? C'est la voix du père Theriault, mais aussi sa voix propre qui résonnent à ses oreilles, bien qu'elle sache combien ces échos conjoints sont peu raisonnables : il est en effet fort possible que ce délicat travail d'aiguilles ait été exécuté par de riches oisives qui ne l'ont entrerpris que par plaisir.  Autant pour toi,  ma fille !

Si le travailleur vend de son plein gré - et même avec empressement - le produit de son travail, on n'y peut rien. Comment, après des millénaires de cette pratique, pourrait-on transformer le cœur avide de l'homme ?

Autant pour toi, ma fille!

P 315

 

Marianne recule, trébuche, le pied pris dans l'extrémité pendante d'un traversin en duvet d'eider jeté comme un grand serpent en travers du lit. Poussant un cri perçant et riant aussi follement que si on la chatouillait elle court vers la pièce contiguë, talonnée par une Margaret toujours coiffée du melon crânement incliné sur l'œil, qui fait d'abord valser une antique chaise de merisier avant de renverser une table recouverte de photos de famille; dans l'entrebâillement d'une porte, aussi rond qu'un ballon, surgit le visage d'une domestique - présence que ni Marianne, proie hurlante, ni Margaret, chasseur souriant et cruel, ne remarquent; toutes deux échouent dans l'alcôve du dressing-room de madame, dans cette impasse aux murs de miroir rosé, dans cette poche sans air imprégnée d'odeurs féminines - poudre de talc, parfums, lotions pour les mains, laque pour les cheveux, déodorants - où une Margaret chapeautée de noir, saisissant de force la taille d'une Marianne coiffée d'une queue de cheval, fait mine de l'embrasser, puis, perdant l'équilibre, trébuchant, riant, l'embrasse pour de bon – si on peut appeler baiser cet écrasement de ses lèvres, le choc de ses dents contre celles de la fille qui proteste.

« J' te l'ai dit, non ? QUE PAPA ALLAIT T'ATTRAPER! »

P 319

 

Quelle chose étrange que le Temps! Pas son passage, qui peut vous sembler infini, comme un tunnel dont on ne voit pas le bout et dont on a oublié où il commence, mais le constat subit que quelque chose s'est terminé, qu'un morceau de Temps s'est bel et bien écoulé – à jamais perdu.

P 320

 

Comme elle l'a dit un jour à Maddy Wirtz, « la chance n'est qu'une combinaison du destin et du désir. Si on veut absolument quelque chose, elle se produit nécessairement ».

p 330

 

Une fille vole de toit en toit; elle file comme l'éclair sur ses longues jambes, les cheveux flottant au vent. Aucun de vous, jamais, ne pourra l'attraper. Ce n'est même pas la peine d'essayer.

P 361

 

Sa vie, la vie de celle qu’on a surnommé Legs, la submerge, vague après vague. Aussi évanescente qu’un rêve qu’on n’arrive pas complètement à mémoriser.

P 368

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