Les hommes s'en vont admirer les cimes des montagnes,
les vagues énormes de la mer, le large cours des fleuves,
les côtes de l'Océan, les révolutions des astres,
et ils se détournent d'eux-même.
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Pour moi, Seigneur, je m'exténue sur cette recherche,
et c'est donc sur moi que je m'exténue: je suis devenu
pour moi-même une terre de difficultés et d'excessives
sueurs. Car nous ne scrutons pas ici les régions célestes
nous ne mesurons pas les distances des astres,
ni ne cherchons les lois de l'équilibre de la terre.
C'est moi qui me souviens, et,moi, c'est mon esprit.
Que tout ce qui n'est pas moi soit loin de moi,
ce n'est point surprenant.
Mais qu'y a-t-il de plus près de moi que moi-même ?
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Grande est la puissance de la mémoire !
Il y a un je ne sais quoi d'effrayant, ô mon Dieu, dans sa profonde
et infinie multiplicité. Et cela, c'est l'esprit; et cela,
c'est moi-même! Que suis-je donc, ô mon Dieu ?
Quelle est ma nature ? Une vie variée, qui revêt mille formes
et immense étonnamment.
Je parcours en tout sens ce monde intérieur,
j'y vole de-ci de-là, j'y pénètre aussi loin que possible,
sans rencontrer de limites. Tant est grande la force de la mémoire,
tant est grande la force de la vie chez l'homme, ce vivant condamné à mourir !
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