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28 septembre 2019 6 28 /09 /septembre /2019 19:32

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4 septembre 2019 3 04 /09 /septembre /2019 09:39

 

 

Elle l’avait dit avec le sourire confirmant ce qu’il avait toujours pensé malgré les élucubrations d’un Bruno Lemaire1 chargé de « calmer le jobard » - il adorait cette

expression qu’il avait entendu dans la bouche de sa fille même s’il n’en avait pas tout à fait compris le sens lorsqu’elle le lui avait expliqué – qui s’employait à marteler que "le

travail doit continuer à payer", sous-entendu "ceux qui ne travaillent pas mais qui vivent du travail des autres", mais ça Bruno y pouvait pas l’dire, c’était un message subliminal que seul percevaient les gens comme lui…  1 000 € de retraite minimum quand tu as bossé toute ta vie, à peine plus que le seuil de pauvreté2, il avait bien fait de pas toucher au boulot… ça avait surpris son petit-fils. Un matin qu’il le gardait au petit déjeuné l’enfant ouvrant de grands yeux étonnés lui avait demandé : « Dis Papy, pourquoi tu travailles pas comme mes deux mamans ? » Sa fille lui les avait toutes faites, assumant l’héritage de la gauche prolétarienne, elle avait voté pour Philippe Poutou, fréquentant tous les rassemblements de « traîne la grôle » qu’elle pouvait trouver, de la ZAD de Notre Dame des Landes aux anti-G7, elle lui avait fait vivre un calvaire. Mais elle posa la cerise sur l’cake lorsqu’elle se mit en ménage avec Nina, non seulement elle ne s’était pas calmée mais elle avait appuyé là où ça fait mal… Elle vivait avec une femme… Heureusement, il avait échappé au pire, elle n’était pas noire. Il avait fini par rompre tout lien avec sa fille jusqu’au jour où il était né, le soleil de sa vie, son petit-fils… Pour le voir il avait dû en bouffer de la couleuvre, il avait dû en écouter des conneries, mais dès qu’il l’avait vu, il avait su qu’il ne pourrait pas se passer de lui… « Ecoute mon chéri je vais te dire pourquoi Papy ne travaille pas, mais jure moi de ne rien dire à tes mamans, ce sera notre secret. » Chaque fois qu’il le pouvait il essayait d’inculquer à ce cerveau juvénile les bienfaits du capitalisme. « Quand son papa est mort, Papy a reçu beaucoup d’argent et beaucoup d’actions… Les actions ce sont des morceaux de papier qui te permettent de posséder une partie de quelque chose qui n’est pas totalement à toi… Et les actions rapportent beaucoup d’argent à Papy… Y sont gentils ceux qui te donnent tout cet argent ». Y sont pas vraiment gentils, y z-ont pas l’choix à cause de « l’armée de réserve des travailleurs »3 constitués par les chômeurs – dixit sa fille, ce coup-là il avait bien compris le concept, avec la

mondialisation l’armée de réserve du capitalisme ce n’était plus les chômeurs mais les foules immenses des travailleurs pauvres du Tiers Monde… Ca vous plaît pas le nouvel accord compétitivité qui réduit vos salaires et allonge le temps de travail ? Pas grave on ferme la boîte, les niakoués4, eux y demande qu’à bosser pour des clopinettes - mais ça y pouvait pas lui l’dire. Il lui expliquerait plus tard qu’il fallait des gens qui travaillent pour que les gens comme lui, les actionnaires – des prédateurs comme disait sa fille - puissent prélever leur part et que plus les salaires de ceux qui travaillaient diminuaient plus la part des actionnaires augmentait5, c’était mathématiques… Alors lui, le travail, il avait laissé ça aux pauvres.

 

 

 

1 - « Le travail doit continuer à payer, lance Bruno Lemaire » https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/impots-le-travail-doit-continuer-a-payer-lance-bruno-le-maire_3422039.html
 2 - Un individu est considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs soit à 855 euros, soit à 1 026 euros (Insee, données 2016), selon la définition de la pauvreté utilisée (respectivement au seuil à 50 % et à 60 % du niveau de vie médian). https://www.inegalites.fr/Les-seuils-de-pauvrete-en-France
 3 - L'Armée de réserve de travailleurs est un concept d'économie politique étudié par Karl Marx. Il est développé dans le chapitre 25 de son livre Le Capital. Ce concept entretient des rapports avec le phénomène du chômage dans les sociétés capitalistes.
 4 - Du vietnamien nhà quê (niah-koué, « paysan », « villageois, péquenaud »). Le sens est déjà péjoratif en vietnamien.
 5 - http://www.lefigaro.fr/societes/le-montant-des-dividendes-verses-aux-actionnaires-atteint-un-nouveau-record-20190819

 

 

 

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31 août 2019 6 31 /08 /août /2019 17:03

 

Il attendit, en effet. Il attendit deux ans. Un soir de juillet 1982,
il fit monter Antonia dans sa voiture et l'emmena
hors du village. Il alla se garer sur un chemin de
terre, à l'écart de la route. Il l' embrassa bien moins
chastement que la première fois, se mit à respirer
lourdement et la pénétra sur la banquette arrière
après lui avoir uniquement retiré les vêtements qui
pouvaient faire obstacle à son entreprise. Quand
ce fut terminé, il remonta son pantalon et sortit
fumer une cigarette qui rougeoyait dans la nuit.
Antonia utilisa son t-shirt pour essuyer le sperme
répandu sur son ventre et tâtonna dans l'obscurité
à la recherche de sa culotte qu'elle récupéra finalement
sous le siège du passager. Elle sortit rejoindre
Pascal B. et l'enlaça tendrement, par-derrière, la
joue appuyée contre ses épaules. Il se retourna et
la serra contre lui en la couvrant de baisers. Il n'y
avait eu ni beaucoup de douleur ni beaucoup de
plaisir et pas du tout de sang. Les choses ne ressemblaient
pas vraiment à ce qu'elle avait imaginé
depuis si longtemps mais ce n'était pas grave. Elle
vivait une aventure merveilleuse et se sentait pleine
d'amour et de gratitude.
p 41

 

À Paris, désormais, on attend ses photos avec
plus d'impatience que ses articles. C'est sans doute
pourquoi il persiste à s'infliger le spectacle de ces
mises à mort quotidiennes qui engourdissent peu
à peu son coeur et son âme et le plongent dans une
lassitude à laquelle il craint de ne jamais pouvoir
échapper. On verra ses photos et grâce à elles, tout
le monde saura ce qui s'est un jour passé ici, le souvenir
de ceux qui sont morts en Tripolitaine ne disparaîtra
pas dans le néant et personne ne pourra
ignorer qu'ils ont vécu. Gaston C. lutte en vain
contre le silence et l'oubli.
p 60

 

C'est la bataille de la vie qui m'aura fortifié et c'est moi qui
te fortifierai. Il est fier d'avoir refusé de servir totalement
la propagande italienne. Malgré les supplications,
je me suis reposé à faire les chroniques qu'on
. attendait de moi, parce que j'aurais jugé malhonnête
de dire ce que je ne pensais pas, et que j'aurais dû me
résoudre, si je m'étais décidé à dire ce que je pensais,
à quitter ce sol où la moindre dissonance est baptisée
"trahison': où on veut, à tout prix, que tout soit bien
même si tout est mal et que tout soit charmant quand
presque tout est terrible.
p 61

 

Viens. Il l'entraîna sur la banquette arrière et l'embrassa avec une fougue
déplaisante et sans lui laisser le temps de répondre
à son étreinte ou de lui rendre ses caresses, il glissa
une main fébrile sous sa robe et enfonça brutalement
un doigt dans son sexe. Antonia voulut d'abord le
calmer et le libérer de sa maladresse, elle ne lui dit -
pas qu'il lui faisait mal, elle murmura aussi doucement
qu'elle le-pouvait, attends, s'il te plaît, attends
un peu, mais il secouait la tête convulsivement, il
lui léchait l'oreille, la barbouillant de salive, je n'en
peux plus, tu ne peux pas savoir, je n'en peux vraiment
plus. Sa voix tremblait et Antonia ne savait pas
ce qui de cette voix tremblante ou des mots qu'elle
prononçait était le plus vulgaire, elle essaya de le
repousser sans se départir de sa douceur, en répétant,
attends, embrasse-moi, mais il ne l'entendait
même plus et il la pénétra en écartant l'élastique
de sa culotte. Antonia cessa de lutter. Elle se sentait
trahie par la docilité de son corps qui s'offrait
mollement, elle s'entendait gémir alors que la vulgarité
insigne de cette voix d'homme, pleine d'un
désir qui ne la concernait même pas, faisait voler
en éclats ses rêves d'encens, de tendresse et de draps
blancs et, au bout de quelques instants, Pascal B.
jouit en poussant un râle qu'elle aurait préféré ne
pas entendre et elle ferma les yeux pour rien tandis
qu'il retombait lourdement sur elle.
p 77

 

on ne sait
jamais comment se conduire avec les morts, ni à
quelle distance d'eux se tenir, aucune distance ne
convient sans doute,
p 95

 

Le regard ne s'appuie sur les images que pour les traverser
et saisir, au-delà d'elles, le mystère éternel et
sans cesse renouvelé de la Passion. Oui, les images
sont une porte ouverte sur l'éternité. Mais la photographie
ne dit rien de l'éternité, elle se complaît
dans l'éphémère, atteste de l'irréversible et renvoie
tout au néant.
p 108

 

S'il avait pu exister une photo de la mort
du Chsist, elle n'aurait rien montré d'autre qu'un
cadavre supplicié livré à la mort éternelle. Sur les
photographies, les vivants mêmes sont transformés
en cadavres parce qu'à chaque fois que se déclenche
l'obturateur, la mort est déjà passée.
p 109

 

Rista M. découvre que, curieusement,
les hommes aiment à conserver le souvenir
émouvant de leurs crimes, comme de leurs noces,
de la naissance de leurs enfants ou de tout autre
moment notable de leur vie, avec la même innocence.
L'invention de la photographie leur a donné
l'irrésistible occasion de céder à ce penchant. L'idée
qu'ils portent ainsi contre eux-mêmes le plus accablant
des témoignages ne les effleure apparemment
pas. Pourquoi devraient-ils s'en soucier?
p 118

 

En cette même année,
un photographe sud-africain, Kevin C, remporta
le prix Pulitzer pour l'une d'entre elles. On y voit
un enfant, le ventre gonflé et les membres squelettiques,
prostré sur le sol et, posé derrière lui, un
vautour qui le fixe de ses yeux vides. Très rapidement,
apparurent des photomontages sur lesquels
la tête de Kevin C remplace celle du vautour. De
bonnes âmes indignées lui reprochaient d'avoir
actionné le déclencheur au lieu de secourir l'enfant.
Que la photo soit obscène, c'était indiscutable pour
Antonia, comme ce devait être également indiscutable
pour Kevin C lui-même et c'était sans doute
la raison pour laquelle il l'avait prise, afin que nul
ne puisse prétendre ignorer l'obscénité du monde
dans lequel il consentait à vivre.
p 194

 

Peut-être aurait-elle jugé qu'elle était enfin
parvenue à atteindre la simplicité des photos qui
la touchaient tant lorsqu'elle était enfant, les portraits
de famille, les polaroïds, les photos d'identité
rangées dans des enveloppes jaunies ou plaquées
sur la pierre des tombeaux qui, toutes, dans leur
innocence impitoyable, disent la même chose, des
hommes ont vécu, mais désormais, la mort est passée,
en vérité, la mort est déjà passée au moment
même où une main anonyme actionne le déclencheur,
dans l'immeuble de la Loubianka, les prisons
de Phnom Penh ou, plus loin encore, dans
un appartement de Santiago du Chili, alors que le
soleil éclaire à contre-jour le visage d'une étudiante
souriante tenant entre ses mains l'étui en cuir d'un
appareil photo et qui n'eut d'autre sépulture que
ce portrait et alors, peut-être, Antonia aurait pu
songer que tous ces clichés dont elle avait si honte
d'être l'auteur, les joueurs de pétanque, les comités
des fêtes, les élections de miss ou les jeunes gens
posant en cagoule dans le maquis, le fusil à la main,
sous des drapeaux à tête de Maure disaient au fond
eux aussi la même chose, avec la même innocence
et, bien sûr, la même absence de pitié.
p 217

 

 

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13 juillet 2019 6 13 /07 /juillet /2019 07:17
Rébellion zapatiste

 

 

QUATRIÈME DÉCLARATION DE LA FORET LACANDONE 1996

 

Au peuple du Mexique,
Aux peuples et gouvernements du monde,
Frères,


Elle ne mourra pas, la fleur de la parole. Le visage invisible de celui qui la dit aujourd’hui peut mourir, mais la parole revenue du fond de l’histoire, du fond de la terre, la superbe du pouvoir ne pourra plus l’arracher. Nous sommes nés de la nuit. En elle nous vivons. Nous mourrons en elle. Mais la lumière sera demain pour tous, pour tous ceux qui pleurent la nuit, auxquels le jour est refusé, ceux pour qui la mort est un don, auxquels la vie est interdite. Pour tous, la lumière. Pour tous, tout. Pour nous, la douleur et l’angoisse, pour nous la joyeuse rébellion, pour nous le futur fermé, pour nous, la dignité insurgée. Pour nous, rien.


Nous luttons pour qu’on nous écoute et le mauvais gouvernement crie sa superbe et à coups de canon se bouche les oreilles.
Nous luttons par faim et le mauvais gouvernement offre plomb et papiers aux estomacs de nos enfants.
Nous luttons pour un toit digne et le mauvais gouvernement détruit nos maisons et notre histoire.
Nous luttons pour le savoir et le mauvais gouvernement distribue ignorance et mépris.
Nous luttons pour la terre et le mauvais gouvernement offre des cimetières.
Nous luttons pour un travail digne et juste, et le mauvais gouvernement achète et vend corps et hontes.
Nous luttons pour la vie et le mauvais gouvernement offre la mort comme avenir.
Nous luttons pour qu’on respecte notre droit de gouverner et de nous gouverner, et le mauvais gouvernement impose aux plus nombreux la loi des moins nombreux.
Nous luttons pour la liberté de la pensée et du chemin, et le mauvais gouvernement donne prisons et tombeaux.
Nous luttons pour la justice, et le mauvais gouvernement est plein de criminels et d’assassins.
Nous luttons pour l’histoire et le mauvais gouvernement offre l’oubli.
Nous luttons pour la Patrie, et le mauvais gouvernement rêve du drapeau et de la langue de l’étranger.
Nous luttons pour la paix, et le mauvais gouvernement annonce guerre et destruction.
Toit, terre, pain, santé, éducation, indépendance, démocratie, liberté, justice et paix. Tels furent nos drapeaux à l’aube de 1994.

Telles furent nos demandes pendant la longue nuit des 500 ans. Telles sont, aujourd’hui, nos exigences.
Notre sang, et notre parole, allumèrent dans la montagne un feu tout petit et nous l'avons porté vers la maison du pouvoir et de l'argent, des frères et soeurs d’autres races et d’autres langues, d’autres couleurs et de même coeur, protégèrent notre lumière et en elle burent leurs propres feux.


Vint le puissant pour nous éteindre de son souffle violent, mais notre lumière se grandit d’autres lumières. Le riche rêve d’éteindre la lumière source. C’est inutile, il y a beaucoup de lumières à présent, et toutes sont la source.


Le superbe veut éteindre une rébellion que son ignorance situe à l’aube de 1994. Mais la rébellion qui porte maintenant visage brun et langue véritable n’est pas née d’aujourd’hui. Avant, elle parla en d’autres langues, sur d’autres terres. Elle marcha dans bien des montagnes et bien des histoires, la révolte contre l’injustice. Elle a parlé déjà en langue náhuatl, en paipai, kiliwa, cucapa, cochimi, kumiai, yuma, séri, chontale, chinantèque, pamé, chichimèque, otomi, mazahua, matlazinca, ocuiltèque, zapotèque, soltèque, chatino, papabuco, mixtèque, cuicatèque, triqui, amuzgo, mazatèque, chocho, izcatèque, huavé, tlapanèque, totonaque, tepehua, popoluca, mixé, zoqué, huastèque, lacandon, maya, chol,tzeltal, tzotzil, tojolabal, mamé, téco, ixil, aguacatèque, motocintlèque, chicomuceltèque, kanjobal,jacaltèque, quiché, cakchiquel, ketchi, pima,tepehuan, tarahumara, mayo, yaqui, cahita, opata, cora, huichol, purépécha et kikapu. Elle parla et parle espagnol. La rébellion n’est pas affaire de langue, c’est affaire de dignité et d’être humains.


Si nous travaillons ils nous tuent, si nous vivons ils nous tuent. Il n’y a pas de place pour nous dans le monde du pouvoir. Si nous luttons ils nous tueront, mais ainsi nous nous ferons un monde où nous ayons tous notre place et puissions vivre tous sans la mort à la bouche. Ils veulent nous prendre la terre pour qu’il n’y ait plus de sol pour nos pas. Ils veulent nous voler l’histoire pour que l’oubli étouffe notre parole. Ils ne veulent pas de nous indiens. Ils nous veulent morts.


Pour le puissant, notre silence était son désir. En silence nous mourions, sans parole, nous n’existions pas. Nous avons lutté pour parler contre l’oubli, contre la mort, pour la mémoire et pour la vie. Nous luttons par peur de mourir la mort de l’oubli.
Parlant de son coeur indien, la Patrie retrouve dignité et mémoire.

 

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30 juin 2019 7 30 /06 /juin /2019 10:15

 

 

 

C'était très bien la tribune de la Marlène1, il était à fond pour. En voilà une au moins qui ne mégotait pas son retour sur investissement2, c’était pour çà qu’il avait raqué au bassinet, pardon qu’il avait contribué au financement de la LRM par un don généreux et pour l’instant, il n’avait pas à se plaindre, les p’tit gars faisaient le job… Elle avait le sens de la formule la p’tite Chiappa : « Le réel cogne » enfin ces derniers temps c’était plutôt les flics qui cognaient, y s’en donnaient à cœur joie c’est pas pour rien que le père Hugo les appelait « les cognes 3» et Casta ne s’en n'était pas laissé compter : « il ne connaît aucun policier, aucun gendarme qui ait attaqué un gilet jaune » fallait oser… Sa fille, parfois il se demandait si c’était vraiment la sienne, avait voulu lui montrer les images recueillies par David Dufresne  qui prouvaient, selon elle, l’existence massive des violences policières à l’encontre de gilets jaunes. Conciliant, il avait accepté de les regarder pour ne pas exacerber des tensions qui remontaient à l’adolescence et qui s’étaient amplifiées depuis qu’elle occupait ce poste de prof de sociologie à la fac de Nanterre, elle voulait travailler, gagner sa vie, ça l’avait scandalisé : « Mais pourquoi tu te fais chier à travailler alors que je vais te laisser tellement de pognon que toi et tes héritiers vous n’arriverez même pas à le dépenser.» J’en veux pas de ton fric lui avait-elle répondu, vivante incarnation du dicton espagnol « cría cuervos y te sacarán los ojos.4» Pour en revenir aux images collectées par Dufrene5, une vraie boucherie, c’était pas Charonne6, mais on sentait la motivation. Pour détendre l’atmosphère il avait tenté un « qui aime bien châtie bien » qui n’avait eu d’autres effets que de lui faire plier bagages : « Salut papa, toujours aussi con. » Il aurait tellement voulu avoir une fille comme Marlène qui l’aurait compris… Elle savait trouver les mots pour les « gogos » il adorait ce passage : « Si chacun de nous s’est engagé dans La République en marche, ce n’est certainement pas pour réactiver les anciens clivages. C’est pour ouvrir la politique aux citoyens, pour engager la société civile aux responsabilités, pour développer des politiques publiques ancrées dans le réel, pour répondre concrètement aux grands enjeux du siècle, l’écologie, l’égalité, la transition digitale, et pour remettre l’humain au centre des décisions. » Développer des politiques publiques7 quelle bonne blague et paf on taille dans l’emploi public : éducation, transition écologique, santé, économie, travail, agriculture, culture on supprime des postes mais attention tout est dans le « ancré dans le réel » parce qu’au ministère de l’intérieur là c’est « open bar », faut des p’tits bonhommes pour jouer du LBD, c’est ça le réel… Marlène elle te ferait prendre les Balkany pour des agents du Fisc, il en fallait des comme elle, convaincue par les fables qu’elle racontait. C’est pas Macron qui avait dit « J'ai besoin d'une chose, c'est que vous nous rendiez la vie impossible, nous les dirigeants (…) j’ai vu la jeunesse de France comme la jeunesse d’Europe le faire sur le climat nous rappelant que c’est pas assez(…) J'ai besoin de cette énergie là, de ces mouvements, de ces indignations8 " il avait pas dû expliquer le truc aux policiers qui gazaient les mecs assis sur le pont de Sully. Y sont marrants…  On ferme les petites lignes de chemin de fer9 , on remplace la ligne Perpignan-Rungis par les camions10 , on refuse de taxer le kérosène sur les vols intérieurs, la France a émis 6,7% de gaz à effet de serre en trop par rapport aux objectifs qu'elle s'était fixés dans le cadre de l'Accord de Paris11  et « en même temps » Marlène répond au grand enjeu de la transition écologique... Comme disait un pote à lui en parlant de Macron après une soirée trop arrosée au Ritz : « il te le met bien profond mais en même temps il a passé la vaseline ». Marlène, elle avait dû lire 1984 d’Orwell y’a pas longtemps pour déclarer vouloir « ouvrir la politique aux citoyens » alors « qu’en même temps » Philippe  essayait de plomber le référendum sur la privatisation d’ADP12, c’était comme dans les bons thrillers où l’on retrouvait toujours les duos de flics avec un gentil et un méchant. Enfin méchants, ils l’avaient pas été avec tout le monde. D’ailleurs il en parlait l’autre jour avec son ami Carlos, un premier de cordée qui avait dévissé, ils n’étaient pas si mal en France, ça ruisselait franchement bien pour eux depuis que Macron avait été élu...

 

 

 

 

 

 

 

 

1 -https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-de-marlene-schiappa-qui-est-pret-a-faire-passer-son-pays-avant-son-parti-3903591

2 -https://www.liberation.fr/debats/2018/09/07/julia-cage-en-france-les-plus-pauvres-paient-pour-satisfaire-les-preferences-politiques-des-plus-ric_1677285
 3 - Fichtre ! reprit Gavroche, tu vas donc te colleter avec les cognes ? — (Victor Hugo, Les Misérables, partie 4, page 68, 1862)

 4 - élève des corbeaux et ils t’arracheront les yeux

 5 -  https://www.davduf.net/
 6 - Le 8 février 1962, 20 000 personnes participent à Paris à une manifestation contre les attentats de l’OAS et pour la paix en Algérie. A l’issue de ce défilé pacifique, les forces de l’ordre chargent les manifestants aux abords de la station de métro Charonne (11e). Un déchaînement de violences policières qui fera neuf morts et plus de 250 blessés.
7 -  Diminuer le nombre d’emplois dans la fonction publique est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui avait annoncé aux Echos vouloir supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, dont 50 000 dans la fonction publique d’Etat. Un objectif inscrit dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, promulguée en janvier 2018, qui prévoit donc la suppression de 50 000 emplois pour l’Etat et ses opérateurs d’ici 2022. (…) A l’inverse, le ministère de l’Intérieur, après s’être vu promettre 1 420 ETP supplémentaires en 2018, devrait en avoir 2 153 en 2019. Suivi de la Justice (1 000 et 1 300), les armées (518 et 466), les services du Premier ministre (75 et 181) et l’outre-mer (20 et 23) https://www.liberation.fr/checknews/2019/05/30/les-effectifs-de-la-police-et-de-l-armee-augmentent-ils-alors-qu-ils-baissent-a-l-ecologie-et-a-l-ed_1730369
8 - https://www.bfmtv.com/politique/lutte-contre-le-sida-rendez-nous-la-vie-impossible-lance-macron-1717400.html
 9 - https://www.franceinter.fr/emissions/interception/interception-09-juin-2019
10 -  https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/le-train-des-primeurs-perpignan-rungis-bientot-remplace-par-plus-de-20-000-camions-par-an-on-vous-explique-les-menaces-qui-pesent-sur-cette-ligne_3439991.html
11 -  http://www.lefigaro.fr/sciences/2018/09/13/01008-20180913ARTFIG00175-climat-la-france-ne-respecte-toujours-pas-ses-engagements.php
12 -  Le Premier ministre Edouard Philippe redoute une « situation dangereuse pour la conduite de l’action publique » avec l’avancée du projet de référendum d’initiative partagée (RIP) déclenché par les oppositions contre la privatisation d’ADP, a fait savoir son entourage, vendredi 10 mai, à l’AFP. https://www.nouvelobs.com/politique/20190510.OBS12740/referendum-sur-adp-pour-philippe-cela-pose-pose-un-vrai-et-grave-probleme-democratique.html

 

 

 

 

 


 

 

 

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14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 20:08


Lorsqu’il était rentré chez lui après sa journée de travail, il avait quitté sa veste et s’était assis sur le fauteuil en face de la grande baie vitrée, regardant sans voir les arbustes en fleurs du jardin, vidé de toutes pensées, absent au monde dans cet univers familier qu’il connaissait si bien et dont pourtant aujourd’hui il éprouvait l’extraordinaire vacuité. Il n’entendit même pas la voix de Julia « C’est toi Winston ? » qu’il n’oubliait jamais d’embrasser dès qu’il entrait dans la maison, ni même ses pas qui s’approchaient de lui… A peine sentit-il ses doigts qui lui caressaient la nuque et le haut des épaules dans un geste tendre destiné à lui ôter les tensions qu’il avait accumulé…
- Encore une journée éprouvante au labo…
Depuis qu’il travaillait sur le nouveau programme de recherche, Winston rentrait souvent déprimé, mais Julia devina que ce soir-là, il avait franchi un palier dans cette sorte de désespoir morbide qui l’accablait. Cela avait commencé insensiblement lorsqu’ils étaient passés de l’expérimentation animale à des tests grandeurs natures sur des cobayes humains, des repris de justices condamnés à perpétuité dont personne n’entendrait jamais parler car le programme était classé « secret ultime » ce qui signifiait que pour le reste de la société il n’existait pas…
- Si tu voyais ça Julia… Ce qu’on leur fait subir… Ils sont attachés des heures entières devant leur télécran à regarder des émissions préparées par « le ministère de la propagande »… On note leurs réactions, on mesure les taux de sécrétions hormonales, on quantifie l’activité des neurones, on évalue l’influence de ce qu’ils regardent en continue sur leur capacités cérébrales…
- N’y pense plus… Tu es avec moi maintenant…
- Le pire Julia c’est que je vois la dégradation mentale qui s’opère sur nos sujets, au bout d’un certain temps après avoir d’abord résisté de toutes leurs forces en essayant d’arracher les liens qui les entravent ou de fermer les yeux maintenus ouverts, ils vocifèrent des phrases incohérentes reflétant les pensées qu’ils éprouvent, ils deviennent des éponges mentales absorbant ce qu’ils entendent et régurgitant des propos plus débiles les uns que les autres…. Puis, ils se réfugient dans cet état d’apathie mentale qui les laisse prostrés et hagards, ils se mettent à baver en geignant jusqu’à tomber d’épuisement avant qu’on ne les libère inconscients pour les ramener dans leur cellule…
- Je te prépare un café chéri… Mais promets-moi de ne plus parler de ton travail…
- J’ai suivi un des types que l’équipe de sécurité ramenait en cellule, un type plutôt avenant dont le regard juvénile m’avait inspiré de l’empathie, je l’ai observé à travers le judas de la porte… Je l’ai vu qui se dénudait tout à coup pour saisir les aliments de son repas et se les bourrer dans l’anus…
- Winston arête ! Je ne veux pas entendre ça…
- C’est là que j’ai compris… J’ai entrevu la finalité du programme mis au point par le ministère de la propagande… A force de regarder ces émissions et d’écouter des pensées de merde ces pauvres types avaient fini par prendre leur cul pour leur tête… Cela m’apparaissait maintenant comme une évidence… Ce qui leur arrivait c’était ce qui allait nous arriver… Après la phase de test, ces émissions seraient bientôt diffusées sur les télécrans et elles nous étaient destinées… Je suis retourné au cœur du labo et je suis entré dans la pièce sécurisée où l’on conservait les centaines d’émissions prêtes à être visionnées, passant outre l’interdiction formelle, qui nous était imposée, de ne jamais regarder ce que voyaient nos cobayes, j’ai lancé la vidéo et voilà ce que j’ai vu…

 

Attention, nous déclinons toutes responsabilités quant au visionnement de ces vidéos qui peuvent occasionner de graves dommages cérébraux…

 

 

 

Pascal Praud en est en quelque sorte le parangon, l’idéal typique aurait dit Max Weber avec l’aplomb d’une suffisance emprunte de crétinisme « il ose tout » selon la formule d’Audiard. Entouré  d’Affidés qui excellent dans la bêtise et usant d’une large palette roborative qui à défaut de stimuler la pensée peut faciliter la gerbe, il incarne un journalisme qui est à l’intelligence ce que sont à l’odorat  les dernières vapeurs d’une flatulence trop longtemps retenue…


Les deux personnages, Julia et Winston sont les héros du roman de Georges Orwell « 1984 »

 

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10 juin 2019 1 10 /06 /juin /2019 17:09

 

Il faut que la photo émeuve les personnes. Si une photo te laisse indifférent, c’est une photo ratée. Une photo peut être totalement sauvage, pas parfaitement prise, mais s’il y a une force dans cette photo, une claque, si ça t’émeut d’une manière ou d’une autre, c’est une bonne photo généralement.

Jane Evelyn Atwood

 

Son projet : inclure les exclus, montrer ce qu'on ne voit pas et participer à l’iconographie des réalités du monde, même les plus sombres.

 

Jane Evelyn Atwood
Jane Evelyn Atwood
Jane Evelyn Atwood
Jane Evelyn Atwood
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10 juin 2019 1 10 /06 /juin /2019 15:26

Praia de Lanzada - Galice
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12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 20:28

 

Tout à coup, cela paraît facile de faire un gâteau, d'élever un enfant. Elle aime son fils avec candeur, comme la plupart des mères - elle ne lui en veut pas, elle ne, veut pas partir. Elle aime son mari et est heureuse d'être mariée. Il est possible (il n'est pas impossible)
qu'elle ait glissé de l'autre côté d'une ligne invisible, la ligne qui l'a toujours séparée de ce qu'elle préférerait ressentir, de ce qu'elle préférerait être. Il n'est pas impossible qu'elle ait subtilement mais profondément changé, là, dans cette cuisine, en ce moment d'une extrême banalité: qu'elle se soit retrouvée. Elle s'y est efforcée pendant si longtemps, avec tant d'opiniâtreté, une telle bonne foi, et maintenant elle a découvert l'art de vivre heureuse, en restant elle-même, comme un enfant apprend à un moment donné à garder l'équilibre sur une bicyclette. Tout se passera bien, semble-t-il. Elle ne perdra pas espoir. Elle ne se lamentera pas sur ses possibilités gâchées, ses talents inexplorés (et si elle n'avait aucun talent, après tout ?). Elle va continuer à se consacrer à son fils, à son mari, à sa maison et à ses tâches, à tout ce qu'elle a reçu. Elle désirera vraiment ce second enfant.

p 84 - 85

 

Clarissa aura été amoureuse: d'une femme. Ou d'une jeune fille, plutôt; oui, d'une jeune fille qu'elle a connue dans sa jeunesse ; une de ces passions qui s'embrasent quand on est jeune - lorsque vous croyez sincèrement que votre découverte de l'amour et des idées est unique, que personne ne les a jamais perçus comme vous ; durant cette brève période de la jeunesse où l'on se sent libre de faire ou de dire n'importe quoi; de choquer, de voler de ses propres ailes; de refuser le futur qui vous est proposé et d'en exiger un autre, beaucoup plus noble et plus surprenant, entièrement déterminé et maîtrisé par soi-même [...]

p 86

 

Cela ressemblait aux prémices du bonheur, et il arrive parfois à Clarissa, trente ans plus tard, de ressentir un choc en pensant que c'était le bonheur; que toute cette expérience tenait dans un baiser et une promenade, l'attente d'un dîner et un livre. Le dîner est aujourd'hui oublié; Doris Lessing a depuis longtemps été éclipsée par d'autres auteurs; et même la relation sexuelle, une fois que Richard et elle en furent parvenus à ce stade, avait été fougueuse mais malhabile, insatisfaisante, plus affectueuse que passionnée. Ce qui demeure intact dans la mémoire de Clarissa plus de trente ans après, c'est un baiser au crépuscule sur un carré d'herbe jaunie, et une promenade autour d'un étang à l'heure où les moustiques bourdonnent dans la lumière faiblissante. Cette perfection-là subsiste, et elle est parfaite parce qu'elle semblait, à cette époque, promettre encore davantage.
Dorénavant, elle sait: ce fut le moment, là, précisément. Il n'y en eut pas d'autre.

p 102

 

 

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11 mai 2019 6 11 /05 /mai /2019 16:49

 

 

 

 

 

 

« Est-ce utile de parler ? Nos cris sont-ils chargés comme des bombes ? Notre parole sauve-t-elle la vie d’un enfant palestinien ? Nous, nous pensons que, oui, ça sert à quelque chose, que peut-être que nous n’arrêtons pas une bombe, que peut-être que notre parole ne se transforme pas en un bouclier blindé qui empêche que cette balle de calibre 5.56 mm ou 9 mm dont les lettres IMI, "Industrie militaire israélienne", sont gravées sur la cartouche, n’arrive à la poitrine d’une petite fille ou d’un petit garçon palestinien, mais que peut-être notre parole arrivera à s’unir à d’autres du Mexique et du monde et peut-être qu’en premier elle se convertira en un murmure, puis en une voix plus forte et enfin en un cri qu’on entendra à Gaza. »  
(Intervention du sous-commandant Marcos lors du Festival de la Digne Rage, janvier 2009)

 

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